Petit tour à la Semaine de la Critique, avec un film Serbe, ORDINARY PEOPLE. Un jeune homme débarque dans un régiment militaire et doit exécuter des prisonniers. On suit cet enfer et cette longue acceptation. C'est un film âpre, composé de longs plan séquences avec un son très travaillé, notamment lors d'une scène incroyable, dans un bus, avec le son infernal du moteur et la caméra qui s'attarde sur le visage de la jeune recrue.
Rencontre matinale, en terrasse, sous le soleil cannois qui était de retour...
Comment est né ce film que vous présentez aujourd'hui à Cannes ?
L'idée du film est née lorsque sont apparues les images de tortures à Abu Grahib. J'avais lu deux études faites en 1970, qui sont des expériences scientifiques qui essayent de comprendre comment les soldats arrivent au stade de commettre des crimes de guerre. Même si c'est une formulation que je n'aime pas employer, car elle implique que la violence dans la guerre est quelque chose de secondaire, elle te fait oublier que la guerre est un crime. Comme si la guerre était quelque chose de normal et que parfois il y avait des dérapages. Non je pense que la guerre est un crime, point. Pour revenir à ces études, à Stanford dans les années 1970. Dans les sous-sols ils ont créés une fausse prison avec des prisonniers et des gardiens, pour voir leur comportement. Et au bout de sept jours ils ont du arrêter,car ça dérapait dans une violence insupportable. L'autre expérience, était de savoir quels sont les effets de la punition sur l'apprentissage. Les personnes invitées devaient donner un petit électrochoc à d'autres personnes. On leur posait des questions et à chaque mauvaise réponse, on lui donne un électrochoc et à la seconde mauvaise réponse, l'électrochoc est plus grand. Mais la personne qui le reçoit est un acteur et les électrochocs sont faux, sauf que la personne qui les donne ne le sait pas. Et 80% des personnes sont allés jusqu'à un électrochoc mortifère. L'idée qui se dégage de ces expériences, c'est que la violence vient de gens qui obéissent à l'autorité, dans un cadre qui les rassure.
Donc je me suis dit que le tournage devait être une sorte de mise à l'épreuve de ce concept. J'ai écrit un scénario de 25 pages en un mois. On l'a abandonné, on a tourné avec non-acteurs, ils n'avaient pas lu le scénario et je composais le film avec leur réaction lorsque je leur expliquais la scène. Les questions étaient, au début, comment tu te léves ? Comment tu fais ton lit ?Comment tu te rases ? Comment tu prends le bus ?... Pour arriver à, qu'est-ce que tu aurais fait dans cette situation-là ?

On sent une guerre présente dans la vie des gens, comme cette scène dans le bus. Les infos à la radio parlent de la guerre puis enchaînent avec les résultats du football, sans aucune distinction.
Oui, j'aime bien parfois travailler avec des petits ready-made, que tu entends quelque chose et tu le reprends tel quel pour travailler avec. Et puis avec cette guerre contre le terrorisme, on a des informations totalement hallucinantes de cette paranoïa créée et puis après tu passes à des choses de totalement quotidien. Et cette juxtaposition d'éléments très hétéroclites m'a intéressée.
Vous travaillez beaucoup avec le plan-séquence, dans quel sens souhaitiez vous l'utiliser ?
J'ai décidé avec l'équipe de tourner en plan fixe et de respecter les gestes des personnages. C'est à dire de respecter à la fois l'humanité des personnages, leur donner un espace temps dans lequel ils peuvent exister, se déployer. Et autre chose, ce film je voulais le proposer mais pas l'imposer aux spectateurs. Je pense que c'est une expérience assez éprouvante, mais je voulais qu'à l'intérieur de ça, qu'il est une liberté comme dans la lecture d'un livre qu'on peut au bout de 10, 20 ou 50 pages refermer et penser à quelque chose. Puis continuer la lecture. Le spectateur a un temps de réflexion qui lui appartient et le film ne lui impose pas ce qu'il doit penser, voir, sentir.
La nature occupe une place importante dans ce film, elle semble être un témoin invisible de ces événements...
Ce qui m'a intéressé dans la nature c'est que d'habitude on projette nos sentiments sur la nature, c'est à dire le climat de la nature est un reflet de notre état d'âme. Alors que la nature est indifférente, elle continue sa vie. Et s'il y a une scène triste, la nature n'est pas obligé d'être triste, ce que d'habitude on fait dans les films. Voilà je voulais ce contraste entre une nature belle, riche et ensoleillé, alors qu'il se passe quelque chose de très sombre.
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