samedi 23 mai 2009

CANNES : Conversation avec Josh et Benny SAFDIE


Juste avant de quitter la croisette, rendez-vous avec les deux mascottes de la Quinzaine des Réalisateurs et auteurs du vrai coup de coeur de ce Festival, GO GET SOME ROSEMARY.
Un après-midi avec les Frères Safdie, c'est la promesse d'un instant de bonne humeur. Surtout à la terrasse de la Quinzaine, qui est devenue leur seconde maison le temps du Festival. Du barman aux vigiles, ils connaissent tout le monde. 
Josh arrive avec 30 minutes de retard, je patiente donc avec Benny et l'attachée de presse. Il arrive finalement et avec une bonne excuse, il sort de la projection du dernier film de Luc Moulet. Ils ont en effet la particularité de ne vouloir rater aucun film de la sélection. Ce qui est rare à Cannes, les équipes n'effectuent généralement qu'un bref séjour sur la croisette. Pas eux, "ce sont nos vacances" se justifie Josh.

C'était bien : Vous présentez cette année un film dans le même esprit que The Pleasure of Being Robbed, à ceci près qu'il parait plus écrit, avec une narration plus développé. Il est d'ailleurs plus long de trente minutes. Pourquoi ?
Josh Safdie : The Pleasure of Being Robbed était plus organique, comme un morceau de jazz. Le projet n'avait pas la même forme. Cette fois-ci, Benny et moi, on a essayé de comprendre la complexité de la relation entre un père et ses enfants. Donc on a senti le besoin de plus écrire.
Benny Safdie : C'est un peu comme vouloir raconter un mensonge, tu essayes de donner le plus de détails possible pour être plus crédible. Et parfois, quand on buttait sur quelque chose, on avait la possibilité de s'appuyer sur ce qu'on avait écrit. 

Vous aimez travailler en improvisant. Mais cette fois-ci il y a deux enfants dans le casting. Comment s'est passé le tournage ?
Josh Safdie : C'est très difficile, car l'improvisation signifie que les acteurs doivent s'adapter en permanence à la situation. Et avec les enfants tu dois tout le temps gérer leur énergie.
Benny Safdie : En même temps, on ne voulait pas que les enfants nous regardent nous, mais leur père (joué par Ronald Bronstein, NDLR). Donc on a beaucoup travaillé avec Ronnie avant le tournage pour qu'ils s'habituent à lui, c'était lui qui les dirigeait. 
Le fait que la caméra soit en mouvement, comme si c'était quelqu'un qui marche, car on ne fixe jamais la caméra sur un trépied, ils savent qu'ils peuvent bouger dans toute la pièce sans nous géner, car on pourra les suivre. On est tout le temps avec eux.

Sur The Pleasure Of Being Robbed Josh était le seul réalisateur, cette fois-ci vous étes deux. Comment vous partagez-vous le travail ?
JS : J'étais le chef opérateur la moitié du tournage, pendant que lui s'occupait du son. Puis on alterne, entre le son et l'image. On discute constamment, on observe nos réactions. Par contre lorsqu'on écrit on n'arrête pas de se disputer, car on est très critique l'un envers l'autre. Mais on essaye de faire ça avec humour.
On est similaire, mais avec des contradictions. On retrouve ça dans le film. Notre passion commune est dans le film. Et c'est pourquoi nous avions besoin de faire ce film ensemble.

Il est intéressant de voir que l'on retrouve certains personnages d'un film à l'autre...
JS : Ils sont dans le court-métrage de Benny aussi !
On a l'impression qu'ils continuent à vivre après que le film se termine...
JS : C'est important pour nous que ces personnages continuent à vivre, car ils sont une caricature de notre esprit. C'est comme une grande expression globale.
BS : On ne peut pas tout explorer avec un seul film, donc cela a du sens de les retrouver à chaque fois...

Un autre détail intéressant à voir dans vos films, c'est l'utilisation de la voiture. On sent qu'aux Etats-Unis la voiture est synonyme de grande routes, de folles échappés et de liberté... Comme vos films.
JS : C'est de la pure liberté, car c'est le début du temps qu'il va passer avec ses enfants. Et pour l'équipe c'est important la voiture, car tu es constamment dans le mouvement, tu n'as pas le choix. On a d'ailleurs mis les acteurs en danger, car le conducteur devait à la fois jouer et conduire la voiture. On a failli mourir trois fois !
Pour ce père, c'est la vraie liberté. C'est le seul endroit où il peut embarquer ses enfants, il veut leur faire vivre une aventure.
BS : C'est amusant, car pour cette séquence, il y a 5 personnes dans la voiture et on a choisit la plus petite voiture qui soit ! Les acteurs devaient se baisser pour que l'on puisse filmer !

J'ai quelque chose à vous montrer... (je sors la dernière édition des Cahiers du cinéma qui comporte plusieurs articles élogieux à leur égard). 
JS : Oh oui, j'ai acheté une copie ! (Il le prend et le feuillette, NDLR) Regarde ça, Alain Resnais... Jean-Luc Godard ! C'est fou ! J'ai un exemplaire des années 1960 de ce magazine, c'est... Oh regardez Stéphane Delorme est là ! (le journaliste des Cahiers du cinéma et membre du comité de sélection de La Quinzaine passe à côté, NDLR) Stéphane ! Il nous montre les Cahiers du Cinéma ! (Rires, NDLR). C'est la première personne que j'ai rencontré ici et il est la raison pour laquelle on fait partie de la famille de la Quinzaine.
Cette page est complètement folle, lisez la page 26 ! (en s'adressant au magnétophone, NDLR)

Oui, deux pages sur votre film, c'est fou ! Et regardez l'article du début, sur l'esprit de la Nouvelle Vague aujourd'hui, "c'est l'énergie et la sensibilité des frères Safdie".
JS : Oh mon dieu ! C'est incroyable ! Ces films nous ont inspirés... Ils on réussi à synchroniser le style et l'appréhension du monde réel...
BS : Il y a certaines choses que tu ne peux capter qu'avec un style particulier. Mais les émotions viennent en premier et la manière de les capter viennent après.
JS : Le style est dans les détails, c'est ce que j'ai appris des films de la Nouvelle-Vague... C'est fou ! Complètement fou !
Vous faîtes parti de la famille maintenant !

Les propos ont été recueillis et traduis par mes soins.



mercredi 20 mai 2009

CANNES - LES HERBES FOLLES


Séquence émotion. Cet après-midi était projeté le dernier film d'Alain Resnais, LES HERBES FOLLES.  Le public Cannois a rendu le plus beau des hommages au cinéaste de 86 ans, en l'accueillant par une folle standing-ovation de plus de 10 minutes ! 
Resnais a convoqué sa fidéle bande d'acteur (Azema, Dussolier), mais également la nouvelle génération (Amalric, Baer, Duvauchelle, Forestier), pour raconter la destinée amoureuse de Marguerite et George réunie par le hasard de la vie.

La projection vient de se terminer et il est encore difficile d'avoir un avis bien précis. L'émotion que véhiculait la salle transcende forcément sa vision. Si ce film est moins évident que son précédent COEUR, dont la grandeur sautait aux yeux, il est certain que celui-ci tient aussi quelque chose. Resnais jouit d'un vrai recul sur la vie et le cinéma, il en joue et c'est un plaisir. Il continue aussi sa réflexion sur le temps qui passe et la vieillesse, on sent (hélas) un réalisateur en fin de vie. En témoigne ce bout de dialogue prononcé par un patient de Marguerite (elle est dentiste) : "je vais pouvoir vous sourire la prochaine fois, je vais même vous dire qu'il n'y aura pas de prochaine fois". Si ce n'est pas son plus grand film, on peut en tout cas affirmer que ce n'est pas une herbe folle dans sa magnifique filmographie.

lundi 18 mai 2009

CANNES - GO GET SOME ROSEMARY


L'un des vrais plaisir de ce Festival : retrouver la joyeuse bande de Josh Safdie ! J'avais rencontré le cinéaste new-yorkais et sa compagne il y a peu, c'était à Paris pour la promo de The pleasure of being robbed. Ils sont de retour à la Quinzaine des Réalisateurs avec Go get some rosemary que Josh à réalisé avec son jeune frère Benny.
Dans ce film les deux frères s'inspirent de leur enfance et racontent l'histoire d'un père (joué par Ronald Bronstein) qui ne voit ses enfants que deux semaines tous les six mois. On retrouve le même esprit que dans le précédent film, avec toujours cette caméra qui ne cesse de vivre et de bouger au rythme du coeur de celui qui la tient. La différence tient dans la narration, beaucoup plus développé que dans The Pleasure. Le film dure d'ailleurs 30 minutes de plus. On y retrouve quand même des moments de vérité incroyable, grâce à cette façon de filmer les acteurs de loin lorsqu'ils sont à l'extérieur. En témoigne cette scène dans un fast-food. Ronnie commande son hot-dog, les serveurs ne jouent pas, ils sont dans la vraie vie.

Avant de les interviewer très prochainement, j'ai pu passer la soirée avec eux lors de la fête organisée en l'honneur de leur film. Pour m'apercevoir à quel point la réalité peut parfois dépasser la fiction. Ces gens sont aussi délicat et adorable que leur film. Du début de la soirée, où ils ont voulu rejoindre la villa à pied (pourtant situé sur les hauteurs de Cannes), créant ainsi une joyeuse expédition pour les happy-few, à la fin où Josh faisait le service après avoir sauté dans la piscine, ils n'ont jamais cessé d'être avenant avec les gens. Il faut voir les yeux de Josh et Benny briller lorsqu'on leur parle de l'article si élogieux des Cahiers du Cinéma, où même les deux enfants du film qui continuent à jouer avec leur père de cinéma, Ronald Bronstein. Une jolie fête pour un joli film... Qui se termine au petit matin ! Difficile ensuite d'enchaîner avec les projections, je n'ai vu qu'un film en deux jours.... Aïe.

dimanche 17 mai 2009

CANNES - Conversation avec Vladimir Perisic


Petit tour à la Semaine de la Critique, avec un film Serbe, ORDINARY PEOPLE. Un jeune homme débarque dans un régiment militaire et doit exécuter des prisonniers. On suit cet enfer et cette longue acceptation. C'est un film âpre, composé de longs plan séquences avec un son très travaillé, notamment lors d'une scène incroyable, dans un bus, avec le son infernal du moteur et la caméra qui s'attarde sur le visage de la jeune recrue.
Rencontre matinale, en terrasse, sous le soleil cannois qui était de retour...

Comment est né ce film que vous présentez aujourd'hui à Cannes ?
L'idée du film est née lorsque sont apparues les images de tortures à Abu Grahib. J'avais lu deux études faites en 1970, qui sont des expériences scientifiques qui essayent de comprendre comment les soldats arrivent au stade de commettre des crimes de guerre. Même si c'est une formulation que je n'aime pas employer, car elle implique que la violence dans la guerre est quelque chose de secondaire, elle te fait oublier que la guerre est un crime. Comme si la guerre était quelque chose de normal et que parfois il y avait des dérapages. Non je pense que la guerre est un crime, point. Pour revenir à ces études, à Stanford dans les années 1970. Dans les sous-sols ils ont créés une fausse prison avec des prisonniers et des gardiens, pour voir leur comportement. Et au bout de sept jours ils ont du arrêter,car ça dérapait dans une violence insupportable. L'autre expérience, était de savoir quels sont les effets de la punition sur l'apprentissage. Les personnes invitées devaient donner un petit électrochoc à d'autres personnes. On leur posait des questions et à chaque mauvaise réponse, on lui donne un électrochoc et à la seconde mauvaise réponse, l'électrochoc est plus grand. Mais la personne qui le reçoit est un acteur et les électrochocs sont faux, sauf que la personne qui les donne ne le sait pas. Et 80% des personnes sont allés jusqu'à un électrochoc mortifère. L'idée qui se dégage de ces expériences, c'est que la violence vient de gens qui obéissent à l'autorité, dans un cadre qui les rassure.
Donc je me suis dit que le tournage devait être une sorte de mise à l'épreuve de ce concept. J'ai écrit un scénario de 25 pages en un mois. On l'a abandonné, on a tourné avec non-acteurs, ils n'avaient pas lu le scénario et je composais le film avec leur réaction lorsque je leur expliquais la scène. Les questions étaient, au début, comment tu te léves ? Comment tu fais ton lit ?Comment tu te rases ? Comment tu prends le bus ?... Pour arriver à, qu'est-ce que tu aurais fait dans cette situation-là ?

On sent une guerre présente dans la vie des gens, comme cette scène dans le bus. Les infos à la radio parlent de la guerre puis enchaînent avec les résultats du football, sans aucune distinction.
Oui, j'aime bien parfois travailler avec des petits ready-made, que tu entends quelque chose et tu le reprends tel quel pour travailler avec. Et puis avec cette guerre contre le terrorisme, on a des informations totalement hallucinantes de cette paranoïa créée et puis après tu passes à des choses de totalement quotidien. Et cette juxtaposition d'éléments très hétéroclites m'a intéressée.

Vous travaillez beaucoup avec le plan-séquence, dans quel sens souhaitiez vous l'utiliser ?
J'ai décidé avec l'équipe de tourner en plan fixe et de respecter les gestes des personnages. C'est à dire de respecter à la fois l'humanité des personnages, leur donner un espace temps dans lequel ils peuvent exister, se déployer. Et autre chose, ce film je voulais le proposer mais pas l'imposer aux spectateurs. Je pense que c'est une expérience assez éprouvante, mais je voulais qu'à l'intérieur de ça, qu'il est une liberté comme dans la lecture d'un livre qu'on peut au bout de 10, 20 ou 50 pages refermer et penser à quelque chose. Puis continuer la lecture. Le spectateur a un temps de réflexion qui lui appartient et le film ne lui impose pas ce qu'il doit penser, voir, sentir.

La nature occupe une place importante dans ce film, elle semble être un témoin invisible de ces événements...
Ce qui m'a intéressé dans la nature c'est que d'habitude on projette nos sentiments sur la nature, c'est à dire le climat de la nature est un reflet de notre état d'âme. Alors que la nature est indifférente, elle continue sa vie. Et s'il y a une scène triste, la nature n'est pas obligé d'être triste, ce que d'habitude on fait dans les films. Voilà je voulais ce contraste entre une nature belle, riche et ensoleillé, alors qu'il se passe quelque chose de très sombre.

vendredi 15 mai 2009

CANNES : TETRO - THIRST


Hier soir, après deux heures d’attente (sous la pluie !), l’équipe d’Exèrieur Nuit a enfin pu assister à la dernière mouture du père Coppola, TETRO. Les américains de Cannes étaient au rendez-vous, tel Josh Safdie, (toujours aussi cool !) ou encore Moni Moshonov (Ben Kraditor, dans Two Lovers). Mais au bout du compte, que  donne ce film en noir et blanc, tourné en Argentine, avec Vincent Gallo en vedette ? Ah la bonne question… C’est un film très auteuriste et décalé, intemporel aussi. On met un bon quart d’heure à situer l’époque du film. Il faut attendre qu’une voiture passe tout au fond d’un plan, pour savoir que le film se passe à notre époque. Le noir est blanc est très sophistiqué et nous plonge dans l’ambiance, tout comme le magnetisme de Gallo. Toujours est-il que le film se perd beaucoup dans son mélange des genres (on y passe de scènes se déroulant dans la vie, à d'autres au théâtre et du cinéma à la TV…). De plus, la fatigue cannoise commençant à pointer le bout de son nez, j’avoue m’être un peu (beaucoup ?) assoupie… A la fin du film, les critiques de mauvaise fois avaient beau clamer qu’il faudra attendre au moins 20 ans pour comprendre ce film, l’événement de cette Quinzaine des Réalisateurs est quand même une vraie déception !


Ce matin, après une nouvelle séance photo pour Technikart (thème du jour Bataille sur les rails), projection à 11h30 du film de Park-Chan Wook, en compétition officielle. Les membres du jury s’étaient levés à l’heure, Asia Argento et le désormais culte James Gray étaient placés juste derrière moi !

Après sa trilogie sur la vengeance (Old Boy), le réalisateur Coréen nous revient avec une variation sur le thème des vampires.

Alors que le teaser qui circule sur le net depuis quelques temps laissait présager un THIRST très premier degrés dans son approche des suceurs de sang, c'est en fait un film très second degrés. Avec une mise en scène assez tout-terrain, où l’on passe de séquences grandiloquentes à d’autres beaucoup plus poétiques. Et son homme d’église, devenue vampire après une expérience médicale, est un héros à la fois romantique, sarcastique et Erotique... Le résultat est assez déroutant ! 

On peut d’ores et déjà dire qu’il paraît improbable que le jury d’Isabelle Hupert récompense THIRST dans son palmarès, tant il est en décalage avec l’esprit des Palmes cannoises !


Par contre, je ne m'attarderai pas sur l'indie Humpday, film américain présenté à la Quinzaine. Cette comédie sur le sexe est insupportable, tant elle repose sur d'interminables dialogues sans saveur.... La réalisatrice Lynn Shelton donne la sensation de jouer les Woody Allen de seconde division ! A oublier !


jeudi 14 mai 2009

CANNES 2009 : Que le spectacle commence !


C'est parti, depuis hier et comme chaque année, Cannes est redevenu le nombril du monde !
Et toute la petite équipe de l'émission Extérieur Nuit se délocalise pour 10 jours !! Pas de projections hier, mais une séance photo improvisée pour Technikart, mené par notre vedette François. En effet, le magazine (l'édition du festival est quotidienne) lui a demandé de jouer les photographes pour les besoins d'un jeu, son principe : une photo par jour, représentant un film palmé sous forme de charade. Celui d'hier était Que le spectacle commence, comme vous pouvez le voir sur la photo Lucile et moi avons servi de modèle !

Aujourd'hui les choses sérieuses commencent, la première projection du Coppola étant plus que complète, direction la salle Debussy (Un certain Regard) pour un film iranien No one knows about persan cats, de Bahman Ghobadi. Rien de très glamour au premier abord... Et pourtant ! On peut y voir des jeunes gens vivant à Téhéran qui montent un groupe de musique underground dans la clandestinité ! C'est une idée très forte, que de filmer la jeunesse iranienne qui essaye de s'en sortir et qui ne s'apitoie pas sur son sort. Un film plein d'espoir donc. Mais même si le réalisateur met le doigt sur quelque chose de très fort, il en ressort une grande frustration.
Il faut attendre 1h30 pour entendre le bruit de la ville ! Comment faire un film sur l'underground sans aller chercher le pouls de la ville ?! On peut également reprocher la réalisation MTV. Si ces jeunes gens souhaitent vivre à l'occidentale, autant ne pas prendre tout de suite nos pires défauts !



Cet après-midi, place à la compét' officielle ! Un film anglais, Fish Tank d'Andrea Arnold, où il est une nouvelle fois question d'adolescence. Dans une ville paumée, Mia 15 ans, est délaissée par sa mère qui préfère s'occuper de son nouveau compagnon... Filmé à hauteur d'homme (ou plutôt de fille) caméra au point et plans séquences à l'appuie, Fish Tank est un film coup de poing ! Cette jeune fille vit sa vie comme un combat et l'interprétation de ses comédiens et magnifié par une image lumineuse ! Chaque plan est composé comme une vraie photo. Un film à prendre en compte !
La journée n'est pas encore finit, avec toute à l'heure une autre tentative d'accès au Coppola. La séance de 22h30 devrait être plus accessible !

mardi 12 mai 2009

Conversation avec Cécile De France et Guillaume Malandrin


En plein milieu du Festival de Cannes sort un obscur film belge, Où est la main de l'homme sans tête, de Guillaume et Stéphane Malandrin. Quant à son histoire, autant s'accrocher, au risque de la perdre (la tête, pour ceux qui n'ont pas suivi).
Cécile De France joue Eva, une championne de plongeon, coachée par son père qui ne vit qu'au travers de ses exploits. Seulement Eva a un accident lors d'une compétition et tombe dans le coma. A son réveil... Les ennuis commencent ! Son frère a disparu, elle a des visions, un chat meurt dans un lit, un manchot la poursuit et son père devient de plus en plus agressif...
Les réalisateurs essayent d'instaurer un climat à la fois glauque et onirique, tout en flirtant avec le psychanalytique... Et je dois avouer avoir eu beaucoup de mal à les suivre dans leur ambition, car malgré toute la bonne volonté d'une Cécile De France investie, le film se perd dans des bavardages interminables et souffre d'une direction artistique maladroite (l'église-musé de Bruxelles, c'est à voir !). Au final, après 1h45 de quête d'homme sans tête, on arrive à ce constat, cruel mais hélas bien réel : tout ça pour ça ! Avec cette sensation de ne pas avoir tout compris, mais en étant incertain sur le fait qu'il y est autre chose à comprendre...

Mais pour ne pas rester sur un constat amer, j'ai rencontré Cécile de France et Guillaume Malandrin (Stéphane n'ayant pas trouvé d'avion pour rentrer de ses vacances marocaines, dixit son frère), afin qu'ils aient la possibilité de nous éclairer sur leur démarche.

C'était bien : Cécile, quelle a été votre première réaction à la lecture du scénario de ce film, à l'univers pas tout à fait comme les autres ?
Cécile De France : Je l'ai lu comme un bon bouquin, un bon thriller, avec en même temps ce drame familial et psychologique ainsi que cette part de fantastique aussi. J'ai découvert un scénario palpitant, stressant qui m'a vraiment tenu en haleine jusqu'à la dernière page. Et quand j'ai fermé cette dernière page, j'ai tout de suite appelé Guillaume Malandrin pour lui dire oui. C'était en 2001, donc il y a longtemps.

Le personnage d'Eva travaille en famille, dans un contexte assez tendu si on peut dire. Vous Guillaume, vous avez réalisé ce film avec votre frère, Stéphane, est-ce que vos relations sont moins compliqué chez vous ?
Guillaume Malandrin : Oui, nous on travaille en famille et... Ca se passe mieux, je rassure tout le monde, on n'a pas de problème avec nos parents. Par contre je pense que le sujet de la famille c'est un sujet inépuisable pour le cinéma et pour tous les genres. On a toujours été un petit obsédé par la question familiale dans nos films. Donc c'était naturellement notre sujet de prédilection pour ce thriller-fantastique, aux limites du film dramatique...

Quelles étaient vos intentions de départ sur ce film ?
GM : On avait différentes ambitions. Moi j'avais une ambition formelle, je voulais faire un film d'une extrême tension narrative où le spectateur était pris à la gorge et transporté dans une espèce de voyage à la fois onirique et de suspens. La maîtrise de la tension était un des projets du film. Après au niveau narratif, on avait des ambitions assez complexe à expliquer, car il y a différents niveau de lecture que cela soit d'un point de vu psychanalytique ou sur les rapports humains, par exemple sur l'amour des parents pour leurs enfants. Une des choses dont le film parle c'est "qu'est-ce que ça veut dire d'aimer", si à un moment donné l'amour que l'on a pour quelqu'un n'est pas destructeur. Car on a toujours l'impression que ce qu'on donne, c'est positif. Le père d'Eva, joué par Ulrich Tukur, c'est un ogre, qui aime et qui détruit, sans le vouloir.

Cécile, vous choisissez des rôles très différents. D'Isabelle de l'Auberge Espagnole à cette Eva, en passant par la Marion de Quand j'étais chanteur, ce sont des femmes très éloignées. Comment abordez-vous ces rôles ?
CDF : Je fais beaucoup confiance aux réalisateurs, là c'est un univers original et un peu à part, j'en ai pas lu beaucoup des scénarios comme ça. Ils savait vraiment ce qu'ils voulaient et c'est très agréable de se laisser guider, en étant au service de cet univers là. On a beaucoup discuté et répété avec les autres comédiens. Il y avait de la préparation, puisque le personnage est championne de plongeon, de haut niveau. Donc j'ai beaucoup observé Odile Arboles-Souchon qui est championne de France de plongeon. C'était très intéressant dans la gestuelle, la façon de se positionner au bord du vide, comment placer ses mains, regarder son coach... Donc il y avait tout une préparation physique intéressante, qui me permet d'appréhender et d'apprivoiser mon personnage.

Cécile disait tout à l'heure avoir reçu le scénario en 2001, pouvez vous nous raconter le parcours que vous avez du suivre pour monter ce film ?
GM : On a mis beaucoup de temps à le financer, d'abord parce qu'on a mis du temps à trouver un co-producteur en France. Parce que le film est déroutant, c'est un cinéma qui mélange les genres et qui prends aussi le risque d'aller dans une zone un peu interdite au cinéma qui est celle de l'incompréhensible. Les films sont aujourd'hui trop balisés, tout est bien raconté pour que tout le monde comprenne, même ceux qui n'ont pas vu le début du film... Alors que nous on a pris le risque de ne pas faire la différence entre les scènes au présent et au passé pour les scènes de flash-back, il n'y a pas d'effet visuel. Il n'y a pas de différences entre les rêves, les fantasmes et la réalité et même aller dans des zones où en fin de compte les choses n'ont pas nécessairement un sens défini. Et ça c'est difficile à financer, ce qui est normal aussi. Entre temps Cécile a fait d'autres films, moi aussi, personne ne s'est arrêté de vivre. Ca a mis du temps, on l'a fait au moment où on a pu réunir l'argent, notre disponibilité pour le faire ensemble...
CDF : ... Avec plaisir !

Le hasard du calendrier fait que vous sortez simultanément deux films belges (Soeur Sourire et Où est la main...). On parle de plus en plus de ce cinéma là en France. Peut-on parler d'un nouvel essor chez vous ?
GM : En France, vous voulez toujours mettre une étiquette, en disant "il y a un nouvel essor, un nouvelle vague, un renouveau belge..." Alors qu'en fait, il y a toujours eu des cinéastes qui travaillent dans le même pays, bon c'est tout petit la Belgique, c'est un département, c'est comme si on disait "la Creuse qui fait du cinéma" et en fin de compte ces gens ils ont tous leur univers particulier, leur identité propre. Ils se connaissent mais ils ne se marchent pas dessus. Chacun fait son chemin.
CDF : On a souvent besoin de la France pour arriver à monter les films, donc tous les films qui peuvent se réaliser, sont fait avec sincérité, c'est en accord avec leur désir, donc il y a quelque chose de fort et de sincère. Ce n'est pas gratuit quoi. Donc le point commun c'est le désir sincère et l'originalité, oui.

Et vous sentez sur les plateaux cette différence entre les tournages français et belges ?
CDF : Oui, car il n'y a pas de star-system, nous les acteurs un peu connu on n'est pas très protégé, c'est pas ça le plus important et c'est bien, car ça laisse place à la créativité. 
GM : Il y a cette blague de Poelvoorde qui raconte la différence entre un tournage français et belge. Sur un tournage français, s'il y a une voiture qui gène le cadre, le premier assistant va le dire au deuxième assistant, qui le dira au troisième, qui lui même dira à la régie de bouger la voiture. Alors qu'en Belgique, s'il y a une voiture qui gène... Et bien on la déplace !

Où est la main de l'homme sans tête, un film de Guillaume et Stéphane Malandrin, sortie en salle le 20 mai 2009.

dimanche 3 mai 2009

Conversation avec Joshua Safdie et Eleonore Hendricks


Cet homme et cette femme sont les auteurs d'un véritable "papillon cinématographique", The pleasure of being robbed.
Une jeune femme se ballade dans les rues de New-York, badine et discute avec les gens. En toute simplicité. Elle les vole aussi, accessoirement. Mais ce n'est pas un vol intéressé, plutôt de la curiosité, l'envie de découvrir l'intimité de l'autre.
Filmé caméra à l'épaule, avec une volonté de cinéma vérité. Un incroyable vent de liberté souffle sur ce film. La caméra bouge beaucoup, perd le point et donne un côté très bordélique à l'ensemble. Mais c'est ce qui nous rend intime avec lui. Josh Safdie a une approche très touchante de cette histoire, il rend la caméra humaine, tellement humaine que l'on sent tout l'amour qu'il a pour son actrice, Eleonore Hendricks. Sa durée est courte, on peut s'y ennuyer, mais c'est un ennuie qui restera confortable, car ce film a de la grâce.

Rencontre parisienne avec ces deux jeunes gens, en compagnie de Gautier, fidèle acolyte de l'émission Extérieur Nuit. Ils arrivent en retard à notre rendez-vous, mais parviennent vite à nous le faire oublier grâce à leur bonne humeur communicative. Entretien réalisé dans le désordre général, mais dans la convivialité, à l'image de leur film.

Comment est né le personnage que joue Eleonore ?
Josh Safdie : je venais de rencontrer Eleonore...
Eleonore Hendricks : ... On travaillait ensemble...
JS : ... Sur un autre film.
EH : Je faisais des castings dans la rue pour des films.
JS : Quand elle travaillait dans la rue, elle était comme son personnage. Elle rencontrait des étrangers, les prenait en photo. Elle établissait des relations grâce à ces photos. L'idée est que ce personnage soit capable d'aborder des étrangers. C'est une voleuse, une très belle voleuse. Le soir quand ses "sujets" rentrent chez eux, ils peuvent dire à leur famille ou à leurs amis : "aujourd'hui quelqu'un m'a parlé dans la rue, elle a été agréable avec moi".
Son personnage vis au jour le jour, comme cet homme qu'elle croise dans la rue au début du film et qui dit à tout le monde "hello beautiful, good-morning handsome"... Ils vivent l'instant présent.

Dans les grandes villes, les gens marchent toujours d'un point A à un point B. Pour aller au travail, à l'école, faire du shopping... Contrairement à cette fille qui semble considérer la ville comme un immense terrain de jeu. 
EH : Dans les villes on est constamment bombardé par des sensations. Alors si tu n'as pas d'objectif précis dans la journée, tu peux t'ouvrir aux choses que tu croises sur ton chemin, à l'aventure.
JS : C'est une belle anarchie. C'est tout et rien à la fois. Ce mode de vie peut te rendre heureux et malheureux en même temps. Si tu ne vas pas bien et que tu as juste envie de te distraire avec ce qui peut paraître insignifiant dans la vie, ça peut devenir beau ou triste.
Mais c'est intéressant cette idée de Point A / Point B. Chez cette fille, il n'y a pas de point, elle est juste un point X.

Quand on voit votre film et l'impression de liberté qui s'en dégage, on imagine une équipe technique très légère...
EH : Oh toute petite !
Comment vous organisiez vous ?
JS et EH en coeur et en nous désignant tous les quatre : Voici l'équipe ! Son - Caméra - Acteur !!
JS : Je crois en cette idée que moins tu as de moyens et plus tu deviens créatif ! On pourrait comparer notre manière de faire des films, à celle des graffitis. On cachait notre caméra 16 mm. devant le Métropolitan Opéra ou à l'intérieur du Zoo. On nous demandait 600 dollars pour tourner dans le zoo. On a dit : "Ok, c'est pas grave". Et on y est allé quand même, la caméra dans le sac et mon ami qui s'occupait du son faisait semblant d'écouter un Ipod.
EH : Tout le monde à ce moment là devenait un acteur, car on devait être sur nos garde et paraître anonyme.
JS : J'aime l'idée de pouvoir être libre. La caméra c'est comme ton oeil. Tu dois pouvoir bouger avec.

Et pourquoi alors ne pas avoir utilisé une caméra numérique ?
JS : Je me sers d'une petite caméra numérique pour observer dans la rue, prendre des notes. Mais pour les films, je pense qu'il est important de prendre des risques. Contrairement au numérique, où tu peux regarder ce que tu viens de filmer et dire "Allez, on va recommencer", la pellicule implique des risques, il y a de l'argent en jeu. Tu dois avoir une confiance totale en la situation, la pellicule c'est quelque chose de physique, que tu peux détruire en ouvrant le chargeur. Cette idée que tout peut disparaître en quelques secondes... Je trouve ça très beau.

En voyant votre film, on ne peut s'empêcher de penser à la Nouvelle Vague française. Quelles sont vos influences ?
JS : La Nouvelle Vague est une de mes grandes inspirations. L'idée qui se dégage derrière ce mouvement est la simplicité. Si tu regardes leur scénario, ils sont très basique. Ils croient en la réalité, à ce que ça amène. J'aime leur façon de travailler entre ami, de manière collective.
Pour mon film, la principale source d'inspiration a été Mouchette de Robert Bresson. La façon dont le personnage est constamment torturé par lui même et par ce qui l'entoure. Elle ne sait pas pourquoi elle agit, mais elle fait les choses.
L'autre influence pour moi, c'est Boudu de Jean Renoir. Il y a cette scène où Michel Simon, qui joue un vagabond, se promène sur un port et se jette à l'eau. La scène est filmé de très loin, on est en 1932, les gens ne savent pas que l'on tourne un film et ils ont couru pour aller le sauver !

Votre nouveau film, Go get some Rosemary fait partit de la sélection Cannoise, à  la Quinzaine des Réalisateurs, pouvez-vous nous en dire plus à son sujet ?
JS  : Oui bien sur. Je l'ai réalisé avec mon frère Bennie. C'est inspiré par beaucoup d'émotion que nous avons vécues ensemble, lorsque nous étions plus jeunes.
C'est à propos d'un père qui voit ses enfants tous les six mois pendant deux semaines, mais quand ces deux semaines arrivent, six mois se sont écoulés et ils l'ont oublié. 
C'est un homme irresponsable qui regarde la vie comme une blague. C'est sa seule manière de communiquer avec les gens. Donc il est tout le temps entrain de rigoler, mais à force, cela en devient triste. Le film se déroule au moment où tout fou le camps dans sa vie.
Eleonore joue dans le film, Roney (Ronald Bronstein, réalisateur de Frownland ) est le père... Je dois avoir des images a vous montrer sur l'ordinateur...

Il bondit sur son ordinateur et c'est ainsi que l'entretien se termine, comme il avait commencé. En musique, en image et dans le désordre.

Les propos ont été recueillis et traduit par nos soins.

The Pleasure Of Being Robbed, un film de Joshua Safdie, en salle depuis le 29 avril 2009.